Sujet d’écrit • Dissertation
La comédie, un simple divertissement ?
Analyser les termes du sujet
Formuler la problématique
Une comédie est définie couramment comme une pièce de théâtre ayant pour but de divertir. En quoi consiste ce divertissement ? Est-ce la seule fonction d’une comédie ?
Construire le plan de la dissertation
Corrigé
Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Amorce] Dès l’Antiquité, un des buts de la comédie est de divertir le spectateur en lui offrant notamment le miroir grossissant de ses propres travers.
[Reformulation du sujet] N’a-t-elle cependant pas d’autre visée que d’offrir un passe-temps agréable ? [Problématique] En quoi consiste donc le divertissement apporté par le spectacle comique ? Quelles en sont les autres fonctions ?
[Annonce du plan] Nous verrons d’abord que la comédie constitue bel et bien un spectacle divertissant, qui suscite le rire. Nous étudierons ensuite le plaisir théâtral qui peut naître du spectacle comique. Enfin, nous montrerons que la comédie peut aussi faire réfléchir le spectateur.
I. La comédie nous divertit en nous faisant rire
1. Des intrigues dynamiques
Le caractère divertissant de la comédie tient en premier lieu à ses intrigues menées tambour battant, qui tiennent le spectateur en haleine.
Le spectateur est entraîné dans une combinaison irrésistible de péripéties et de coups de théâtre, comme le suggère le titre original du Mariage de Figaro de Beaumarchais (1784) : La Folle Journée.
Dans L’Avare (1668), les ruses s’enchaînent pour empêcher Harpagon d’épouser Marianne, qui aime et est aimée par le fils du vieillard.
Dans L’Hôtel du Libre-Échange (1894) de Feydeau, de nombreux rebondissements comiques troublent le rendez-vous adultère de Pinglet : pris en flagrant délit, il ne doit son salut qu’à son visage couvert de suie.
La comédie emporte ainsi le spectateur dans un tourbillon réjouissant.
2. Différents procédés comiques
Pour susciter le rire, les dramaturges mobilisent différentes sources de comique.
Quand, dans Le Malade imaginaire (1673), Thomas Diafoirus fait son compliment de futur gendre sous le regard de son père et qu’il se trompe de belle-mère (il s’adresse à Angélique au lieu de Béline, la femme d’Argan), c’est au comique de situation que Molière recourt.
La force comique de la comédie est aussi portée par le verbe : vivacité des dialogues, jeux de mots, imitation des jargons professionnels, des patois, etc. Quand Toinette, déguisée en médecin, fait le diagnostic du mal imaginaire dont souffre Argan, la répétition de la formule « le poumon » repose sur ce comique de mot et de langage, de même que l’utilisation d’un charabia franco-latin lors de la « cérémonie burlesque » qui clôt Le Malade imaginaire.
Les comédies de Molière sont souvent centrées sur des personnages extravagants : Argan veut toujours avoir un médecin à proximité, son fauteuil de malade trônant au milieu de la scène, symbole de sa monomanie ridicule. Dans Ubu roi (1896) de Jarry, le père Ubu est un tyran grotesque avide de pouvoir et d’argent, qui n’hésite pas sacrifier tous les nobles de Pologne pour redresser ses « phynances ». La convocation de ce type de figures risibles ou grotesques relève du comique de caractère.
3. L’héritage de la farce
Les comédies puisent parfois – souvent chez Molière – dans l’héritage de la farce. Celle-ci cherche le rire pour le rire en sollicitant le goût des spectateurs pour le comique « bas » : coups de bâton (comme ceux que Scapin inflige au vieux Géronte dans Les Fourberies de Scapin, 1671), grossièretés, grivoiseries, parfois allusions scatologiques. Une part du Malade imaginaire s’inscrit dans cette tradition, en particulier toutes les références au corps « malade » d’Argan et aux traitements que lui administrent des médecins ridiculisés (lavements, clystères).
La comédie mobilise aussi souvent cet autre héritage de la farce (et de la commedia dell’arte italienne) qu’est le jeu physique de personnages acrobates ou, à l’inverse, lourdauds. La course-poursuite entre Argan et Toinette autour du fauteuil met à profit ce type de jeu, pour partie improvisé.
[Transition] La comédie a donc pour première fonction de provoquer le rire. Cependant, d’autres aspects du spectacle comique peuvent susciter le plaisir du spectateur.
II. La comédie suscite un vrai plaisir théâtral
1. Un spectacle qui mobilise différents arts
La comédie peut mobiliser d’autres arts, tels la musique et la danse, et créer ainsi, outre des occasions de rire, la joie, la surprise ou encore l’émerveillement.
La comédie-ballet, genre nouveau au xviie siècle, mélange ainsi les arts pour former un spectacle complet propre à charmer tous les sens du spectateur. Dans Le Malade imaginaire, c’est une « églogue en musique et en danse » ainsi que des ballets champêtres qui ouvrent la pièce. Les actes traditionnels sont ponctués par des intermèdes chorégraphiques comme les « danses entremêlées de chansons » des Mores, censés faire sauter des singes sur scène !
Un siècle plus tard, Beaumarchais rythme Le Mariage de Figaro de chants, telle la romance de Chérubin à l’acte ii ou le vaudeville final, dont chaque personnage entonne un couplet.
2. La magie de l’illusion théâtrale
Au théâtre, tout est illusion : le lieu, le temps, l’action ; le plaisir du spectateur repose sur cette illusion. Quand les personnages d’une comédie jouent eux-mêmes la comédie sur scène, l’artifice est à son comble, et le public jubile.
Dans Le Malade imaginaire, Toinette se déguise en médecin, se dédoublant aux yeux du spectateur, dans de rapides allers-retours sur scène ; Argan, quant à lui, feint d’être mort pour piéger sa femme.
Le déguisement est au centre du Jeu de l’amour et du hasard (1730) de Marivaux : maîtres et valets intervertissent leurs noms et leurs vêtements afin de mettre l’amour à l’épreuve dans de savoureuses joutes verbales. Le spectateur assiste avec délectation à ces échanges étourdissants.
L’Illusion comique (1636) de Corneille est une pièce à la gloire de cette illusion théâtrale : désespéré par la mort de son fils, Pridamant a la surprise de le voir ressuscité par la magie du théâtre – le jeune homme est simplement devenu un talentueux comédien.
[Transition] Le spectateur peut donc apprécier une comédie pour sa richesse théâtrale. Il peut également y trouver matière à réflexion.
III. La comédie peut aussi faire réfléchir
1. Une critique morale
La comédie classique est censée plaire mais aussi instruire le spectateur : elle « corrige les mœurs par le rire ». La folie maladive d’Argan est un travers moral à éviter, de même que l’avarice d’Harpagon (L’Avare) ou la misanthropie d’Alceste (Le Misanthrope, 1666).
Ces personnages sortent des normes qui codifient la société du xviie siècle, fondées sur la raison et la mesure. Le discours d’Arnolphe à propos du mariage dans L’École des femmes (1662) met ainsi en lumière le paternalisme à la fois risible et inquiétant du personnage face à Agnès.
Certains personnages de servantes demeurent cependant les garants du bon sens domestique : citons Toinette tentant de faire entendre raison à Argan, mais aussi Dorine s’opposant à l’hypocrisie de Tartuffe (Le Tartuffe, 1669).
2. Une critique sociale
La comédie – notamment dans le théâtre contemporain – peut avoir également une portée sociale.
Le Malade imaginaire propose une satire acerbe de la médecine : tous les médecins y sont présentés comme des charlatans, à commencer par ce « grand benêt » de Thomas Diafoirus. Le travestissement de Toinette, ainsi que la « cérémonie burlesque d’un homme qu’on fait médecin en récit, chant et danse » qui clôt la pièce, achèvent de dénoncer l’imposture médicale.
J. Romains file la thématique de la médecine dans Knock (1923) : le protagoniste, un escroc rusé, parvient à persuader peu à peu tous ses patients bien portants qu’ils sont malades, pour mieux les imprégner de la « Lumière Médicale ». Au-delà de la mystification, c’est la manipulation des esprits dans tous les domaines, notamment à travers l’utilisation de la publicité, qui est vivement critiquée à travers la pièce.
Plus généralement, la comédie interroge souvent l’authenticité des rapports entre les individus. A. Jaoui et J.-P. Bacri utilisent la cuisine d’un appartement parisien pour critiquer la servilité petite-bourgeoise dans Cuisine et dépendances (1991), et un café de province pour mettre en scène la brutalité des liens familiaux dans Un air de famille (1994).
Conclusion
[Synthèse] Le spectacle comique présente donc plusieurs fonctions : il divertit le spectateur, l’éblouit par sa richesse théâtrale, lui offre une réflexion morale et sociale. C’est cette diversité de perspectives qui en fait la valeur.
[Ouverture] Au-delà du divertissement, il offre un regard précieux sur les individus, comme l’écrit Victor Hugo : « [Le théâtre] est le pays du vrai : il y a des cœurs humains sur la scène, des cœurs humains dans les coulisses, des cœurs humains dans la salle. »