L’École européenne des métiers de l’internet (EEMI), située à Paris, se retrouve au cœur d’une polémique sans précédent. Dans une décision rendue le 5 juin 2024, le tribunal judiciaire de Paris a condamné Nicolas G., un ancien étudiant de l’établissement, pour harcèlement moral à l’encontre de Christophe Ondrejec, ancien directeur de l’école. Ce jugement, qui repose sur des critiques publiées en ligne par l’étudiant à l’encontre de l’institution, soulève des inquiétudes sur l’usage détourné du cadre juridique pour censurer des avis négatifs.
Une école sous le feu des critiques
Depuis plusieurs années, l’EEMI a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment sur ses pratiques administratives et pédagogiques. Nicolas G., qui a étudié dans cette école, reprochait à l’établissement des promesses non tenues, en particulier sur un partenariat annoncé avec une grande école de commerce, finalement inexistant. Pour exprimer son mécontentement, il a publié plusieurs avis en ligne et articles dénonçant ce qu’il percevait comme des pratiques abusives.
Ces publications, diffusées sur des plateformes comme Google, Facebook et Trustpilot, pointaient du doigt « la direction » de l’établissement, mais ne nommaient pas explicitement Christophe Ondrejec. Pourtant, c’est bien ce dernier qui a porté plainte, invoquant une atteinte personnelle et des troubles liés à ces critiques.
Une invocation contestée du harcèlement moral
L’élément central de cette affaire est l’usage de la notion de harcèlement moral pour faire censurer des avis critiques publiés en ligne. Le tribunal a jugé que ces avis répétés constituaient une attaque personnelle envers Christophe Ondrejec, bien qu’ils visaient uniquement l’institution et son fonctionnement.
La décision repose sur des certificats médicaux présentés par Christophe Ondrejec, qui affirmait avoir subi une dégradation de sa santé mentale en raison des publications. Toutefois, le lien direct entre les critiques adressées à une école et les troubles d’un ancien dirigeant semble pour le moins fragile. Cette condamnation soulève une question cruciale : critiquer une organisation peut-il être assimilé à une attaque personnelle contre ses dirigeants, actuels ou passés ?
Un précédent dangereux pour la liberté d’expression
Ce jugement ouvre la porte à une dérive judiciaire inquiétante. Les avis publiés par Nicolas G. dénonçaient des pratiques qu’il estimait contraires aux intérêts des étudiants et invitaient à un débat public sur la gestion de l’établissement. En réprimant ces critiques sous prétexte de harcèlement moral, la justice semble valider une forme de censure déguisée.
Cette affaire n’est pas seulement un cas isolé ; elle constitue une menace directe pour la liberté d’expression sur Internet. Si les institutions peuvent invoquer le harcèlement moral pour faire taire leurs détracteurs, les plateformes d’avis en ligne — un pilier de la transparence et de la responsabilité dans une société numérique — perdront leur raison d’être.
Une école qui refuse la critique
L’EEMI, en cherchant à faire supprimer ces avis négatifs, semble avoir adopté une posture visant à protéger son image à tout prix. Loin de répondre aux critiques ou de chercher à améliorer ses pratiques, l’établissement a choisi la voie judiciaire pour museler la voix d’un ancien étudiant.
Cette approche soulève des questions éthiques. Une école qui forme aux métiers du numérique ne devrait-elle pas être un exemple de transparence et de responsabilité ? En censurant des critiques, l’EEMI renforce l’idée qu’elle préfère dissimuler ses failles plutôt que de s’y confronter. Cette stratégie pourrait bien se retourner contre elle, en ternissant davantage sa réputation.
Un appel à la mobilisation
Le jugement rendu contre Nicolas G. risque de dissuader d’autres anciens étudiants ou citoyens d’exprimer leur avis sur des institutions éducatives ou commerciales. Pourtant, la critique est essentielle dans une démocratie et constitue un moteur d’amélioration pour les organisations.
Il est urgent que cette affaire fasse l’objet d’un débat public et d’une attention accrue des juridictions supérieures. La Cour d’appel, si elle est saisie, devra examiner avec rigueur les implications de ce jugement sur la liberté d’expression et veiller à ce que des outils juridiques comme le harcèlement moral ne soient pas détournés à des fins de censure.
Un avertissement pour les internautes
Ce cas rappelle à tous les internautes l’importance de formuler leurs critiques avec précision et de rester dans un cadre factuel pour éviter des poursuites. Cependant, il souligne également les limites d’une société qui, au lieu de répondre à la critique, cherche à l’étouffer.
Cette affaire dépasse largement le cadre d’une simple dispute entre un ancien étudiant et son école. Elle pose des questions fondamentales sur l’avenir de la liberté d’expression en ligne et sur l’équilibre entre protection individuelle et droit à la critique.