Dissertation
La politique environnementale aux États-Unis
Analyser le sujet
Dégager la problématique
La notion de « préserver » est corrélée à celle de « conserver ». Dans leur apparente opposition, ces deux notions vous amènent à vous interroger sur les politiques engagées aux États-Unis à l’égard de la nature et surtout sur leurs buts : exploitation économique plus ou moins raisonnée, sanctuarisation plus ou moins totale d’un espace naturel…
Vous pouvez donc poser la problématique suivante : quelles sont les logiques, parfois contradictoires, auxquelles l’environnement a été soumis aux États-Unis depuis le xixe siècle ?
Construire le plan
Dans un sujet où figurent deux notions, votre plan ne doit pas les traiter séparément. Le « ou » implique que votre réflexion doit porter sur le lien qui existe entre les deux.
Vous pouvez envisager d’analyser le couple préservation/conservation dans ses dimensions historiques afin de montrer qu’il s’agit là d’une problématique ancienne, mettant en scène de multiples acteurs et d’observer les logiques dominant actuellement.
Corrigé
Les indications en couleur et entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Définition du sujet] Les États-Unis apparaissent comme un pays peu respectueux de l’environnement. Ils se sont pourtant singularisés par un intérêt précoce pour la protection de la nature. Néanmoins celui-ci relève de logiques parfois contradictoires incarnées par l’opposition entre le préservationnisme, qui prétend protéger la nature pour elle-même, et le conservationnisme qui prétend protéger la nature dans un souci d’exploitation économique.
[Problématique] Quelles sont les logiques, parfois contradictoires, auxquelles l’environnement a été soumis aux États-Unis depuis le xixe siècle ? [Annonce du plan] Nous verrons d’abord qu’aux États-Unis, la volonté de protéger l’environnement est ancienne mais toujours balancée entre préservation et conservation [I]. Nous montrerons ensuite que la question environnementale implique des acteurs aux motivations multiples [II]. Enfin, que l’ancienne opposition entre préservation et conservation cède parfois la place aujourd’hui à des logiques de pure prédation [III].
I. Préservation ou conservation : un débat ancien
1. Le préservationnisme : la nature, lieu de l’identité états-unienne
Dès le début du xixe siècle, les États-Unis voient l’émergence d’une sensibilité environnementale dont témoignent, chacun à leur manière, le peintre et ornithologue français, devenu états-unien, Jean-Jacques Audubon (1785-1851) et George Catlin (1796-1872), peintre des Indiens et des Grandes Plaines.
Premier courant philosophique authentiquement états-unien, le transcendantalisme, dont Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et Henry David Thoreau (1817-1862) sont deux représentants notables, fait de la nature un des éléments fondamentaux de sa réflexion. Il voit en elle un lieu d’expérience esthétique et morale.
La nature vierge (Wilderness) est conçue par Thoreau comme la vraie merveille américaine. Ces idées sont reprises et popularisées par l’explorateur et voyageur écossais John Muir (1838-1914) qui traverse à de nombreuses reprises les États-Unis d’est en ouest. Ses écrits sur le sujet sont à l’origine de la création du parc de Yosemite (1864). Pour John Muir, il s’agit de préserver la nature, y compris contre l’Homme, car celle-ci a une valeur morale et esthétique intrinsèque.
La Wilderness, élément fondamental de l’identité états-unienne, se trouve au cœur de la culture américaine comme en témoigne l’œuvre cinématographique de John Ford, le succès touristique des parcs naturels états-uniens…
2. Le conservationnisme : la nature, un capital
Gifford Pinchot (1865-1946) est une autre figure majeure de la question environnementale aux États-Unis. Il est le premier représentant de la pensée conservationniste. Pour lui, il faut protéger la nature, non pas pour elle-même, mais pour l’intérêt vital qu’elle constitue pour l’Homme. C’est dans cette optique de conservation qu’il convainc le président Theodore Roosevelt de créer, en 1905, le Service fédéral des forêts.
La construction d’un barrage dans la Hetch Hetchy Valley, située dans le parc de Yosemite, l’amène à se confronter à John Muir. Alors que ce dernier met en avant le caractère exceptionnel de la vallée, Gifford Pinchot défend le projet au nom de l’intérêt de la population de San Francisco dont l’approvisionnement en eau n’est pas suffisant.
[Transition] La pensée environnementale est née précocement aux États-Unis. Elle oppose cependant deux conceptions, préservationnisme et conservationnisme, souvent difficilement conciliables comme nous allons le voir.
II. Des acteurs aux logiques multiples
1. Le rôle de la puissance publique : État fédéral et États fédérés
L’État fédéral joue depuis l’origine un rôle essentiel en matière de politique environnementale aux États-Unis. C’est ainsi le Congrès qui, par une loi, créa en 1872 le premier parc national de l’histoire, Yellowstone. Plusieurs présidents se singularisèrent par leur activisme sur les questions environnementales. À l’initiative de Theodore Roosevelt, l’État fédéral se porta acquéreur de nombreuses forêts aux quatre coins du pays et créa plusieurs zones protégées dont l’Arctic National Wildlife Refuge, en 1903.
Compte tenu de la structure fédérale des États-Unis, les États fédérés ont une large capacité d’initiative en matière environnementale. Dans certains, cas, leur action précède l’action fédérale, comme lorsque l’État de Californie a acheté, dès 1864, la vallée de Yosemite pour en faire un parc naturel.
Il appartient également aux États d’appliquer la législation fédérale concernant l’environnement en l’adaptant aux conditions locales. Ils peuvent alors parfois aller au-delà des prescriptions fédérales comme le montre l’exemple de la Californie où le gouverneur Arnold Schwarzenegger a mis en place pendant son mandat (2003-2011) une législation sur la pollution atmosphérique sans équivalent dans le pays.
2. Le rôle des acteurs privés (entreprises et ONG)
En général partisans du conservationnisme, nombre d’acteurs privés interviennent dans les questions environnementales aux États-Unis. Ainsi, la mission scientifique qui aboutit à la création, par le Congrès, du parc national de Yellowstone fut financée par une entreprise de chemins de fer, la Northern Pacific. Alors que le premier chemin de fer transcontinental venait d’être mis en service (1869), la Northern Pacific voyait dans la création du parc une opportunité touristique susceptible d’améliorer la rentabilité de ses trains.
De nos jours, même si elles dépensent souvent des sommes considérables pour se donner une image « verte », la plupart des firmes multinationales font d’ordinaire primer la logique comptable sur le respect de la nature. Ainsi, si Coca-Cola communique beaucoup sur ses engagements en faveur de l’utilisation de plastique recyclé pour ses bouteilles, c’est à des fins de rentabilité qu’elle fit le choix, dans les années 1980, de passer de la bouteille en verre à la bouteille en plastique, au bilan écologique pourtant catastrophique.
Les organisations non gouvernementales (ONG) jouent également un rôle important. Cependant, à côté d’ONG connues pour leur action en faveur de la protection de la nature comme le Sierra Club, créé par John Muir, la société Audubon ou Natural Resources Defense Council (NRDC), certaines poursuivent des objectifs réels assez éloignés des ambitions affichées. Représentative de cette tendance, The Nature Conservancy a été au cœur de multiples scandales, notamment lorsqu’elle a autorisé des compagnies pétrolières présentes à son conseil d’administration, à procéder à des forages dans des zones protégées qu’elle avait acquises.
[Transition] Les acteurs intervenant dans les questions environnementales sont fort nombreux et leurs initiatives multiples. On observe cependant que, dans l’histoire récente, la logique conservationniste s’efface de plus en plus devant une pure logique de prédation.
III. Une politique environnementale soumise à des logiques de prédation
1. Une législation environnementale de plus en plus protectrice
Initiée dès le xixe siècle, la législation environnementale états-unienne s’est considérablement étoffée au cours du xxe siècle. Sous les présidences démocrates de John F. Kennedy et de Lyndon Johnson ont été votées les premières lois sur la qualité de l’air (Clean Air Act) en 1960 et 1963. En 1964, elles sont suivies par des lois en faveur de la préservation des espèces animales et de la protection des espaces naturels vierges (Wilderness Act). En 1970, la loi nationale sur l’environnement (National Environmental Policy Act) impose une enquête d’impact environnemental préalable avant tout projet d’aménagement. En 1972, la loi Littoral permet la protection et la réhabilitation de nombreux littoraux et zones humides.
La catastrophe de l’Exxon Valdez en Alaska (1989), qui a causé la pire marée noire de l’histoire des États-Unis, est à l’origine de l’Oil Pollution Act (OPA). Entrée en vigueur en 1994, cette loi est d’une sévérité sans équivalent pour les responsables de ce type d’accidents.
2. Des atteintes croissantes à l’environnement
En dépit d’une solide législation, les atteintes à la nature ne cessent de croître. Le mode de vie états-unien, particulièrement vorace en ressources, explique que les États-Unis demeurent, quand on rapporte la pollution au nombre d’habitants, le pays le plus pollueur et gaspilleur parmi les grandes puissances économiques mondiales. L’augmentation de la population engendre aussi mécaniquement une pression accrue sur les ressources naturelles.
La mise en place d’espaces protégés n’empêche pas la coupe réglée du reste de l’espace naturel. Ainsi, l’exploitation récente des pétrole et gaz de schiste entraîne des conséquences écologiques catastrophiques sur les eaux et les sols des États concernés, comme le Dakota du Nord.
Enfin, la pression de certains lobbies explique l’exploitation économique de milieux en principe protégés. Ainsi, Donald Trump, cédant comme avant lui George W. Bush aux arguments des grandes compagnies pétrolières a autorisé en 2019 des forages pétroliers et gaziers dans l’Arctic National Wildlife Refuge.
Conclusion
[Réponse à la problématique] Par rapport à d’autres pays, les États-Unis ont témoigné d’un intérêt précoce pour la question environnementale. Mais, les défenseurs de la nature se sont néanmoins opposés et s’opposent encore, entre préservationnistes et conservationnistes. [Ouverture] Cependant, outre le fait qu’au niveau international, les États-Unis se montrent généralement hostiles à tout règlement environnemental contraignant, au sein même des États-Unis, les débats entre protecteurs de l’environnement perdent de leur actualité dans la mesure où le souci de protection de la nature doit bien souvent s’effacer devant des logiques de pure prédation des ressources.