Le personnage de roman, esthétiques et valeurs
Le roman
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Sujet d’écrit • Dissertation
Le personnage de roman, porteur d’une réflexion sur le monde ?
Les clés du sujet
Analyser le sujet
Formuler la problématique
En quoi le personnage de roman permet-il d’engager une réflexion sur le monde ?
Construire le plan
Corrigé
Corrigé Flash
Les titres en couleur ou entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Annonce] Genre protéiforme, le roman plonge le lecteur dans un monde fictif à la fois captivant et capable, au-delà du plaisir de l’intrigue, de donner à penser. Cet imaginaire, souvent inspiré du réel, ne cesse de se référer à notre monde et de l’éclairer.
[Sujet] Comment le roman, à travers ses personnages, donne-t-il à réfléchir sur le monde ?
[Problématique] Il s’agit ici d’examiner en quoi le personnage, pivot du dispositif romanesque, permet d’engager une réflexion riche sur le monde, l’existence, autrui, soi-même ; c’est notamment le cas dans Le Rouge et le Noir, qui restera au centre de notre réflexion.
[Annonce du plan] Nous nous pencherons d’abord sur la pluralité des profils de personnages créés par les auteurs [I]. Nous nous intéresserons ensuite à la manière dont le personnage interagit avec son environnement [II].
I. Des personnages aux profils variés
1. Des personnages types, intemporels
Les personnages peuvent fonctionner comme des types intemporels, incarner un défaut ou une manière d’être emblématiques.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : Julien Sorel, jeune paysan, incarne le type même de l’ambitieux calculateur, toujours en quête de ce qui lui manque. Valenod incarne le triomphe inquiétant des hommes politiques véreux.
Flaubert, Madame Bovary (1857) : Emma Bovary, qui a lu des romans toute sa jeunesse, rêve de passions et d’aventures romantiques. Cette quête entraînera sa perte ; le « bovarysme » désigne désormais cet état d’insatisfaction rêveuse.
Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678) : Mme de Chartres et sa fille, la princesse de Clèves, incarnent la vertu, le triomphe de la volonté et du devoir sur l’aveuglement dangereux des passions.
2. Des personnages parfois plus complexes et troublants
La présence de personnages ambigus, plus délicats à appréhender, permet de prendre la mesure de la complexité de l’humain et du monde.
des points en +
Le narrateur peut rester neutre ou orienter la perception du personnage. Dans ses romans, Stendhal multiplie les commentaires ironiques.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : le ne ménage pas Julien Sorel, critiqué pour son hypocrisie ; il nous montre cependant aussi une certaine naïveté, ses combats intérieurs, sa soif d’un monde plus juste.
Laclos, Les Liaisons dangereuses (1782) : ce roman épistolaire dévoile la duplicité de deux libertins sans scrupule, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont, et le trouble qu’ils sèment chez leurs proies naïves et bientôt brisées.
Zola, La Bête humaine (1890) : Jacques Lantier subit des pulsions meurtrières : il est poussé, malgré lui, à tuer les femmes qui l’attirent. Le roman montre l’étendue de sa souffrance en humanisant ce personnage.
3. Des réseaux de personnages significatifs
Les personnages fonctionnent en interaction : leurs relations permettent d’approfondir notre réflexion sur le monde.
des points en +
Ne vous concentrez pas seulement sur le personnage principal : montrez votre connaissance de l’œuvre en vous appuyant aussi sur les personnages secondaires.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : Julien, par sa « noire ambition », s’oppose à , qui lui promet une carrière et une fortune faites avec loyauté.
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831). Quasimodo, Frollo et Phébus sont épris de la belle Esméralda. Le roman montre plusieurs visions de l’amour, du plus pur au plus tourmenté.
[Transition] Au-delà de ce qui les définit, les personnages nourrissent des réflexions sur le monde parce qu’ils sont particulièrement révélateurs de leur environnement.
II. Le personnage aux prises avec la société et son environnement
1. Des récits d’initiation
Le roman peut plonger le personnage dans un monde dont il ignore tout : le lecteur se forge sa vision du monde en même temps que le personnage.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : Julien Sorel, parti de rien, obtient des postes de plus en plus prestigieux ; son sens aigu de l’observation lui permet de tirer profit de la société de 1830.
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678) : la jeune princesse, novice, découvre les dangers de l’amour et lutte pour se préserver d’une cour corrompue.
Maupassant, Bel-Ami (1885) : Georges Duroy profite de son succès auprès des femmes pour se faire une place dans le monde de la presse, alors en pleine expansion : libre de tout scrupule, il finit par triompher.
2. Des personnages reflets d’une époque
Les personnages peuvent souligner les dysfonctionnements d’une époque : le lecteur est ainsi invité à exercer un regard critique.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : cette « Chronique de 1830 » met en évidence une corruption généralisée, le règne de l’argent et des alliances.
Zola, Germinal (1885) : Étienne Lantier découvre les conditions de vie infâmes des mineurs ; il tente d’organiser la lutte pour améliorer leur sort.
Diderot, La Religieuse (1796) : le témoignage de Suzanne, cloîtrée malgré elle, est le cri poignant d’une femme opprimée par une institution religieuse retorse.
3. Des personnages qui incarnent une vision du monde
Les personnages peuvent être révélateurs d’une vision singulière de l’humain, voire interroger notre rapport au monde de manière générale.
Stendhal, Le Rouge et le Noir (1830) : Julien, emprisonné après une tentative de meurtre, change radicalement et découvre les vraies valeurs : seul l’amour de Mme de Rênal compte, son ambition était un leurre.
Camus, L’Étranger (1942) : Meursault semble traverser un monde absurde, qui l’indiffère, et qui en retour ne peut pas non plus le comprendre : il reste, jusqu’à sa mort sous la guillotine, un « étranger ».
à noter
Certains personnages servent de porte-parole au romancier, de relais pour porter sa vision du monde et ses valeurs : Rieux dans La Peste de Camus (1947), ou Roquentin dans La Nausée de Sartre (1938).
Zola, les Rougon-Macquart (1871-1893) : les personnages sont soumis à un double déterminisme, celui de leur milieu et celui de leurs « tares héréditaires ». Se pose la question de la liberté de l’humain, à travers des personnages comme Gervaise Lantier, qui sombre inexorablement dans l’alcoolisme.
Conclusion
[Synthèse] Ainsi, le personnage de roman constitue à bien des égards un levier stimulant pour enrichir la réflexion du lecteur sur le monde et l’existence. En effet, la variété prodigieuse de profils, plus ou moins stéréotypés ou complexes, reflète la diversité du vivant, des valeurs, des attitudes face à l’existence. L’immersion du personnage dans une société et dans un monde avec lequel il peut être en décalage ou en conflit aide également à prendre du recul sur notre environnement et sur notre manière d’être.
[Ouverture] On peut retrouver cette réflexion sur la diversité des hommes et du monde dans d’autres genres, comme chez le dramaturge anglais Shakespeare, qui fait souvent usage de la métaphore du theatrum mundi : le monde entier est un « théâtre ».