La chancelière a une occasion unique de mettre le pays sur la voie d’une plus grande résilience, d’un meilleur niveau de vie et d’une durabilité écologique. Voici ce que nous espérons qu’elle abordera la semaine prochaine.
Chaitanya Kumar, responsable de l'environnement et de l'économie à la New Economics Foundation
Alors que le budget d’automne approche, tous les regards sont tournés vers Rachel Reeves, avec impatience et un optimisme prudent quant au fait qu’il s’agira d’un budget historique pour le Royaume-Uni. Face à des défis urgents – depuis la pression du coût de la vie jusqu’à l’urgence de l’action climatique – la chancelière a une occasion unique de mettre le pays sur la voie d’une plus grande résilience, d’un meilleur niveau de vie et d’une durabilité écologique. Voici ce que nous espérons qu’elle abordera la semaine prochaine.
Le fondement de ce budget doit être une refonte des règles budgétaires du Royaume-Uni. De récentes allusions de la chancelière suggèrent qu'elle envisage de redéfinir la façon dont la dette publique est mesurée, débloquant ainsi environ 50 milliards de livres sterling pour des dépenses publiques essentielles. En déplaçant l’attention sur les passifs financiers nets du secteur public (PSNFL), Reeves signale sa volonté d’adopter une flexibilité budgétaire. Ce changement pourrait être important – permettant davantage d’investissements dans les infrastructures, les économies régionales et les initiatives vertes. Cependant, ce n’est pas sans risques. Remplacer une règle budgétaire arbitraire par une autre continuera à entraver la capacité du gouvernement à intervenir et à résoudre les problèmes structurels du pays.
Une véritable réforme budgétaire devrait permettre aux dépenses publiques d’être utilisées dans l’intérêt des citoyens et de la planète, et non servir simplement à contrôler les bilans. À la New Economics Foundation (NEF)_, nous avons soutenu que nous devons aller au-delà de ces règles dépassées qui restreignent la capacité du gouvernement à réaliser des investissements transformateurs et les remplacer par un système d'« arbitres fiscaux », un organe indépendant responsable devant le Parlement qui fixe un cadre plus flexible pour l’investissement public en fonction de l’environnement macroéconomique plus large.
Un autre changement majeur que nous espérons voir concerne le nouveau fonds national de richesse (NWF) du gouvernement, un concept qui, s'il est utilisé correctement, pourrait remodeler les économies régionales. Notre analyse révèle que si la NWF était autorisée à émettre ses propres obligations et que ses engagements étaient soustraits de l’objectif de dette budgétaire, elle pourrait mobiliser jusqu’à 100 milliards de livres sterling de financement privé. Un fonds comme celui-ci pourrait contribuer à progresser dans la lutte contre les inégalités régionales et aider les régions du Royaume-Uni qui ont historiquement manqué d’investissements. En canalisant les fonds vers les économies locales, le logement, l'énergie et les emplois durables, nous pourrions favoriser une croissance qui ne soit pas seulement liée à Londres mais qui soit répartie dans toutes les régions.
Si le chancelier modifie les règles, la question évidente est de savoir à quoi serviront les fonds supplémentaires ? Des décennies de sous-financement dans nos communautés, en particulier à l’extérieur de Londres, ont laissé de nombreuses régions aux prises avec des infrastructures obsolètes et un accès limité aux services. L'analyse récente du NEF montre la nécessité d'investissements importants, jusqu'à 32 milliards de livres sterling par an, dans le logement, les transports publics, la rénovation énergétique et les initiatives énergétiques locales. Ce budget devrait viser à combler ces lacunes de longue date, en faisant correspondre les dépenses non seulement aux rendements économiques mais aussi aux besoins régionaux, en particulier dans les domaines qui ont été trop longtemps négligés. Une analyse récente a également montré que pour chaque million de livres sterling investi dans les infrastructures vertes, la croissance du PIB peut atteindre 1,5 million de livres sterling. Rachel Reeves s'est engagée à devenir la première chancelière verte de Grande-Bretagne et elle prouve qu'elle libère les dépenses publiques dans des infrastructures et des services à faibles émissions de carbone, indispensables.
Le discours du gouvernement selon lequel il n'augmenterait pas les impôts des travailleurs a suscité beaucoup d'attention. L'instinct du chancelier est ici juste, et il existe de nombreuses autres manières par lesquelles le gouvernement peut augmenter les recettes nécessaires pour financer les améliorations essentielles de nos services publics et de notre sécurité sociale.
Tout d’abord, la chancelière devrait être prête à s’en prendre aux grandes banques qui gagnent des milliards en intérêts non gagnés sur leurs réserves à la banque centrale. Elle peut limiter le montant des intérêts payés par la Banque d’Angleterre, ce qui pourrait permettre au gouvernement d’économiser 55 milliards de livres sterling au cours des cinq prochaines années. De même, réformer le système fiscal pour équivaloir les plus-values avec l’impôt sur le revenu ; une petite taxe sur les ultra-riches (ceux qui possèdent plus de 10 millions de livres sterling d’actifs) et une augmentation des prix du carbone devraient toutes être sérieusement envisagées pour augmenter les revenus.
Le budget doit également s’attaquer directement à la pauvreté, en particulier à la pauvreté des enfants, qui a augmenté malgré la large reconnaissance de ses méfaits. Des politiques telles que la limitation des allocations à deux enfants ont exacerbé la pauvreté et doivent être inversées si nous voulons réduire les inégalités. Un engagement à stimuler les investissements dans le logement social est ici également essentiel, afin de garantir que chaque enfant grandisse dans un foyer sûr et sécurisé.
Enfin, ce budget devrait tracer une voie claire vers l’atteinte des objectifs de carboneutralité, avec des engagements concrets en faveur des investissements verts. Alors que les climatologues tirent la sonnette d’alarme de plus en plus fort, le monde manque de temps pour réduire les émissions de carbone et limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés. Le leadership international du Royaume-Uni en matière de climat n'est actuellement pas là où il devrait être, et le gouvernement travailliste doit positionner le Royaume-Uni comme un pays sérieux qui fixe à la fois des ambitions plus élevées pour ses objectifs climatiques à court terme et soutient les pays en développement dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. .
La chancelière a l’opportunité mercredi de présenter le budget le plus important depuis que George Osborne a imposé l’austérité en 2010. Elle doit profiter de cette opportunité pour changer les règles qui freinent le pays et construire un Royaume-Uni plus équitable et plus résilient pour tous.