Dissertation : La connaissance, enjeu de puissance pour les États.
Analyser le sujet
Dégager la problématique
Les États se définissent par leur puissance. Leur rôle est central sur toutes les facettes de la connaissance, aussi bien comme promoteurs que comme censeurs.
En quoi la capacité à maîtriser les connaissances détermine en grande partie la puissance des États ?
Construire le plan
Il s’agit de faire une typologie des rôles qu’assument les États vis-à-vis de la connaissance.
Corrigé
Les titres et les indications entre crochets ne doivent pas figurer sur la copie.
Introduction
[Accroche] « Le vrai pouvoir, c’est la connaissance », écrivait en 1597 dans ses Mediatationes sacrae le philosophe anglais Francis Bacon, considéré comme un des pères des sciences politiques. [Présentation du sujet] À ce titre, la connaissance devient pour les États un véritable enjeu de puissance, puisqu’elle seule peut les armer pour faire, faire faire et refuser de faire. [Problématique] En quoi la capacité à maîtriser les connaissances détermine en grande partie la puissance des États ? [Annonce du plan] Les États s’affirment comme puissance par la maîtrise [I], la production [II] et le contrôle [III] de la connaissance.
I. La connaissance, source de puissance des États
1. La connaissance, socle d’une puissance politique
La maîtrise de la connaissance comme moyen d’asseoir sa puissance et son prestige figure depuis longtemps dans les stratégies des États : les califes de Bagdad au Moyen Âge avec leur Maison de la sagesse, le Roi Soleil au xviie siècle avec son Académie royale des sciences l’avaient déjà compris.
Le hard power d’un État repose sur sa capacité à s’imposer face à ses voisins et/ou adversaires. La force armée d’un État dépend de sa maîtrise des sciences et technologies pour déployer une puissance militaire suffisante. Ainsi, pendant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis réalisèrent des investissements colossaux dans le projet Manhattan.
2. La connaissance au service de la puissance économique
La maîtrise de la connaissance (science, technologie, information) permet à un État d’imposer sa puissance économique, voire d’asseoir son hégémonie, comme le Royaume-Uni au xixe siècle, les États-Unis au xxe siècle. La connaissance permet de hiérarchiser les États en tant que puissances.
Les États émergents ne s’y trompent pas, en investissant massivement dans la connaissance : c’est le cas du Brésil dans les années 1960 avec sa politique volontariste d’alphabétisation ou de l’Inde aujourd’hui dans le secteur de la formation.
II. Les États, producteurs de connaissance
1. Organiser et financer la production de connaissance
Les États sont les organisateurs de la connaissance à l’intérieur de leurs frontières : sans leur action volontariste et les investissements qu’ils sont les seuls à pouvoir consentir, il n’y a pas de système efficace de production de la connaissance (écoles, universités, centres de recherche). Bangalore (Inde), la « Silicon Valley orientale », centrée sur la recherche high-tech, est née de la volonté du gouvernement indien de favoriser l’accession du pays au rang de puissance.
La puissance des États aujourd’hui repose en grande partie sur leur capacité à financer et maintenir une recherche et développement suffisante pour supporter la concurrence des autres États. Aujourd’hui la recherche s’industrialise et repose sur la Big Science, requérant d’importants investissements financés par les États (ex. : recherche nucléaire).
2. Influencer et diffuser sa connaissance
Être un État puissant, c’est être capable d’exercer une influence. Cela peut passer par la diffusion de la connaissance, notamment par le biais des transferts de connaissances ou de compétences.
Ainsi les pays occidentaux démontrent encore leur position de puissances dominantes par leur maîtrise de ce processus, vers les pays en développement ou émergents. Mais la Chine et l’Inde tendent à les remplacer progressivement, notamment en Afrique (ex. : plateformes de e-éducation indiennes).
III. La connaissance, objet de compétition entre États
1. Défendre les connaissances stratégiques
Un État est puissant dès lors qu’il est capable de montrer sa capacité de contrôle. Cela s’observe aussi dans le domaine de la connaissance qui, lorsqu’elle est considérée comme stratégique, est étroitement surveillée. Quand la recherche sur la radioactivité est passée du domaine théorique à son application pratique, elle est devenue géopolitiquement sensible. Elle est alors passée sous le contrôle des États, notamment des États-Unis.
Les services de renseignement des États ont été ainsi modelés pour assurer le contre-espionnage. Le FBI a surveillé étroitement les scientifiques, cibles privilégiées des démarchages étrangers, voire de tentatives de corruption (cf. l’affaire Ames) ou de trahison (les Cinq de Cambridge).
2. Attirer les scientifiques capables de produire des connaissances
Concentrer les meilleurs acteurs de la connaissance est un atout de puissance indéniable pour les États. Certains pays, comme les États-Unis, se sont fait les spécialistes du brain drain, en captant les flux migratoires d’étudiants et de diplômés du monde entier, qui alimentent leur propre économie de la connaissance. Il y a de ce fait plus d’informaticiens indiens dans la Silicon Valley en Californie qu’à Bangalore.
Il est essentiel pour les États en quête de puissance d’inverser ce processus, afin de consolider les efforts consentis dans la formation de leurs forces vives. Les États doivent dès lors organiser le brain gain – comme l’Inde qui s’engage dans une politique volontariste d’encouragement des retours de la diaspora.
3. Se procurer les connaissances manquantes
Si l’effort de recherche scientifique interne ne suffit pas, et si le transfert de compétences n’est pas possible, les États alimentent autrement leur besoin de connaissances, notamment par l’espionnage, scientifique ou industriel. Par exemple, Khrouchtchev crée une « Silicon Taiga » secrète dont les travaux sont alimentés par les fruits de l’espionnage technologique.
La connaissance est un tel levier de puissance que si l’on souhaite affaiblir un État, une stratégie efficace consiste à faire fuiter ce butin de guerre : ainsi le colonel Vetrov décide de livrer plus de 3 000 documents à la France au début des années 1980, et fait vaciller l’Union soviétique (affaire Farewell).
Conclusion
[Réponse à la problématique] La connaissance est donc un levier central du pouvoir des États. Sans sa maîtrise et son contrôle, les États sont inaptes à se construire en tant que puissances. [Ouverture] C’est pour cela que les classements universitaires tels que celui de Shanghai sont scrutés chaque année avec une attention scrupuleuse : ils annoncent de manière fiable quelles seront les puissances de demain.