Dissertation
Les facteurs d’inégalités scolaires
Analyser la consigne et dégager une problématique
Problématique. Vous devez mettre en évidence l’idée que de nombreuses raisons peuvent expliquer les inégalités de réussite scolaire.
Exploiter les documents
Document 1. Ce texte évoque plusieurs raisons pouvant expliquer les inégalités scolaires. L’origine sociale, premièrement, détermine-t-elle cette réussite ou n’est-elle qu’un paramètre des stratégies des familles ? La même question se pose pour le genre, deuxième raison développée dans le texte. L’« effet maître », troisième facteur explicatif évoqué dans le dernier paragraphe, jouerait également un rôle.
Document 2. Cet histogramme empilé indique que les temps d’enseignement et d’apprentissage sont plus élevés dans les établissements du secteur privé que dans ceux du secteur public d’éducation prioritaire, où sont surreprésentés les élèves issus de milieux peu favorisés. Il évoque donc l’« effet établissement » ou l’« effet classe ».
Document 3. Ce tableau présente les pratiques culturelles selon le niveau de vie. Le fait que les plus riches aient plus d’activités socialement valorisées (cinéma, spectacles, visites) peut favoriser chez leurs enfants le développement de meilleures dispositions à réussir à l’école, où ces pratiques sont mises en valeur par les enseignants.
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Introduction
[accroche] Depuis les années 1950, les réformes se sont multipliées afin de réduire les inégalités scolaires. L’enjeu est d’importance car ces inégalités peuvent discréditer les démocraties qui fondent leur légitimité sur des discours méritocratiques selon lesquels ce sont les efforts de chacun qui déterminent sa destinée sociale. [présentation du sujet et problématique] Il est donc important d’analyser les raisons pour lesquelles les chances d’accéder aux différents niveaux et établissements scolaires sont inégales. Nous nous appuierons sur le cas français pour illustrer notre propos. [annonce du plan] Une première partie analysera le rôle que peuvent jouer la famille et le contexte dans lequel ses membres sont socialisés ; une seconde partie présentera les raisons qui permettent de penser que l’École a également une responsabilité dans les inégalités de réussite scolaire.
I. Les facteurs familiaux
1. La socialisation familiale
La socialisation selon le genre renforce les inégalités scolaires. D’après Christian Baudelot et Roger Establet, les filles ont des résultats scolaires supérieurs à ceux des garçons et pourtant délaissent les filières valorisées et les grandes écoles, pour s’orienter vers d’autres filières moins « prestigieuses », par exemple des écoles de design ou des écoles de cinéma. Ainsi en France, parmi les élèves les plus performants en mathématiques ou en sciences, un garçon sur trois souhaite travailler comme ingénieur ou comme scientifique à l’âge de 30 ans, contre seulement une fille sur six (document 1).
La socialisation selon le milieu social renforce également les inégalités scolaires. Selon Pierre Bourdieu, le capital culturel hérité de la famille permet aux élèves favorisés de détenir des références culturelles et des manières de parler proches de celles des enseignants, ce qui favorise leur réussite scolaire. Le sentiment d’être à leur place à l’école favorise alors le choix de poursuite d’études plus longues et prestigieuses. Ce capital se développe par inculcation ou imprégnation, notamment à l’occasion de pratiques culturelles : 39 % des 20 % les plus riches ont ainsi visité un site culturel plus de trois fois en un an, contre 11 % des 20 % les plus pauvres (document 3).
2. Les stratégies familiales
Selon Raymond Boudon, les ménages adoptent des stratégies scolaires fondées sur un calcul coûts-avantages. Les coûts sont associés au prix des études, mais aussi à leur difficulté ; les avantages consistent à obtenir un diplôme supérieur à celui des parents, et donc à connaître une promotion sociale. Les ménages aisés, dont les enfants ont statistiquement les meilleures chances de réussite scolaire, encourageront alors davantage leurs enfants à poursuivre des études longues et coûteuses. Contrairement aux familles les moins favorisées pour qui les chances qu’un tel pari ait une issue favorable sont plus réduites. Ceci peut expliquer qu’en France, parmi les élèves ayant de bons résultats dans PISA, un sur cinq ne prévoit pas de faire des études supérieures quand il vient d’un milieu défavorisé, alors que cette proportion est très faible quand il vient d’un milieu favorisé (document 1).
Le choix de résidence, visant à contourner la carte scolaire, ou encore le contrôle des fréquentations des enfants sont également des stratégies familiales permettant d’augmenter les chances de réussite scolaire.
II. Le rôle de l’École
1. La valorisation de la « culture dominante »
Selon Pierre Bourdieu, les enseignants ont tendance à valoriser la culture des classes dominantes. En effet, eux-mêmes proviennent le plus souvent de ces milieux et doivent leur réussite à la mobilisation de cette culture dans leurs études. Dès lors, ils ont tendance à évaluer les élèves selon leur maîtrise de cette culture, privilégiant ainsi ceux issus des classes dominantes. S’opérerait alors une « violence symbolique » sur les élèves, les moins « performants » intériorisant le sentiment d’une infériorité sociale.
2. Le contexte scolaire
Certains établissements, certaines classes, peuvent être plus propices à la réussite scolaire que d’autres. Ces « effet établissement » et « effet classe » peuvent résulter de projets pédagogiques spécifiques ou des caractéristiques sociales des élèves qui y sont scolarisés. C’est ce que suggère le document 2 : en 2012-2013, en France, 80 % du temps d’une séance de cours dans un collège du secteur privé est consacré à l’enseignement et l’apprentissage, contre 70 % dans un collège du secteur public d’éducation prioritaire. Ce dernier se caractérise par une surreprésentation des catégories les moins dotées culturellement et une réussite scolaire plus faible.
Il peut également exister un « effet maître ». Le fait que l’origine sociale soit aussi déterminante dans la réussite scolaire en France n’est alors peut-être pas étranger au fait qu’il s’agit d’un des pays où les élèves ressentent le moins de soutien de la part de leurs enseignants pour progresser dans les apprentissages (document 1).
Conclusion
[bilan] Plusieurs raisons peuvent donc expliquer les inégalités de réussite scolaire. Elles peuvent se distinguer selon qu’elles relèvent du contexte ou des stratégies familiales d’une part, ou d’une responsabilité de l’École elle-même d’autre part. [ouverture] Mais il y a de fortes chances pour qu’une prise en compte conjointe de ces différents facteurs soit indispensable si l’on souhaite obtenir une démocratisation effective de l’École en France.