Dissertation
Libre-échange et protectionnisme
Analyser la consigne et dégager une problématique
Problématique. Quels sont les arguments du débat opposant protectionnistes et libre-échangistes ?
Exploiter les documents
Document 1. Ce texte présente les effets attendus de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Le document met l’accent sur les effets positifs : quels sont-ils ? Il évoque également quelques inquiétudes que l’Union européenne semble avoir prises en compte : lesquelles ?
Document 2. Ce graphique présente les étapes de la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine en 2018 et 2019. Comment a évolué le volume d’importations supplémentaires taxées aux États-Unis ? Et les droits de douane appliqués ? Pourquoi peut-on parler d’escalade du protectionnisme ?
Lecture : Le 6 juillet 2018, les États-Unis ont décidé de taxer 34 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine à 25 % ; cette dernière décide, elle, de taxer 34 milliards de dollars d’importations en provenance des États-Unis.
Document 3. Ce sondage présente des considérations qui peuvent influencer le soutien au libre-échange, ou au protectionnisme. Quels sont les domaines qui, pour les sondés, souffrent le plus de la mondialisation en France ? En quoi la mondialisation pourrait-elle expliquer ces effets négatifs ?
Définir le plan
Corrigé
Les titres des parties ne doivent pas figurer sur votre copie.
Introduction
[accroche] La présidence de Donald Trump aux États-Unis semble avoir marqué un retour du protectionnisme, soit un ensemble de mesures visant à protéger la production d’un pays contre la concurrence étrangère. Pourtant, l’Union européenne ne cesse de confirmer son soutien au libre-échange, à la suppression des entraves aux échanges internationaux. [problématique] Quels sont les arguments du débat opposant protectionnistes et libre-échangistes ? [annonce du plan] Nous présenterons d’abord les effets positifs attendus du libre-échange, sur la croissance et, en particulier, sur les consommateurs et producteurs ; nous traiterons ensuite l’intérêt des mesures protectionnistes, dans le soutien des choix socio-fiscaux et environnementaux des pays.
I. Les arguments en faveur du libre-échange
1. Le libre-échange peut stimuler la croissance économique
Selon les économistes classiques, le libre-échange permet aux pays de se spécialiser et ainsi de stimuler leur productivité et la croissance. La théorie des avantages comparatifs de David Ricardo montre que, dans un contexte de libre-échange, la spécialisation de chaque pays dans la production pour laquelle il est relativement le plus productif permet une utilisation plus efficace des facteurs de production, ce qui stimule la productivité et conséquemment la croissance économique.
Ce raisonnement est enrichi par le modèle des dotations factorielles (HOS) qui précise que chaque pays doit se spécialiser dans celle de ses productions qui mobilise intensivement le facteur de production qu’il possède en abondance. En effet, cette abondance garantit un prix plus faible des ressources et donc un coût de production réduit, autre manifestation des gains de productivité, susceptibles de stimuler la croissance économique.
En outre, en accentuant la concurrence entre les producteurs du monde entier, et donc leur souci de compétitivité, le libre-échange stimule l’innovation, source de gains de productivité et donc de croissance.
La Commission européenne estime ainsi que l’accord de libre-échange que l’Union européenne (UE) a signé avec le Canada devrait, à terme, faire progresser le produit intérieur brut (PIB) de l’UE de 0,02 % à 0,08 % (document 1).
2. Le libre-échange améliore la situation des producteurs
Le libre-échange peut stimuler les profits des producteurs. D’une part, il leur permet d’accéder à des biens et services plus diversifiés et moins onéreux réalisés à l’étranger. Ils peuvent ainsi trouver des produits plus adaptés et réduire leurs coûts de production. Ces effets stimulent leur productivité et en conséquence augmentent leurs profits unitaires.
D’autre part, le libre-échange permet aux producteurs d’exploiter les avantages des différents pays : ils peuvent procéder à une décomposition internationale de leur processus productif. La mondialisation de leur chaîne de valeur consiste alors à localiser les différentes étapes de leur production dans les territoires qui présentent le plus d’avantages.
Enfin, la possibilité d’écouler leurs produits sur un vaste marché international leur permet de réaliser des économies d’échelle. La baisse du coût de production unitaire liée à l’augmentation des volumes entraîne alors une diminution des coûts de production.
3. Le libre-échange améliore la situation des consommateurs
Le libre-échange peut améliorer la satisfaction des consommateurs. D’une part, la réduction des coûts de production résultant de la spécialisation des producteurs et des économies d’échelle favorise une baisse du prix de vente des produits sur les marchés internationaux et, ainsi, augmente le pouvoir d’achat des consommateurs.
D’autre part, l’accès au marché international augmente la variété des biens et services disponibles à l’achat.
II. Les arguments en faveur du protectionnisme
1. Le protectionnisme peut être un préalable au libre-échange
Selon l’économiste allemand Friedrich List, un protectionnisme éducateur peut être souhaitable. En effet, certains nouveaux producteurs nationaux peuvent souffrir d’un manque d’expérience qui les handicape au regard des performances de producteurs étrangers plus expérimentés. On peut alors les protéger temporairement, pour qu’ils accèdent à un niveau de compétitivité suffisant pour rivaliser avec leurs concurrents étrangers.
Au-delà d’une simple protection tarifaire, comme les droits de douane qui viennent renchérir le prix des importations, un pays peut décider de subventionner des producteurs pour les aider à rivaliser avec des concurrents étrangers. Une telle politique commerciale stratégique permet à une entreprise d’augmenter son volume de production et ainsi réaliser des économies d’échelle qui, en réduisant ses coûts unitaires, stimulent sa compétitivité.
2. Le protectionnisme répond aux risques du libre-échange
Le libre-échange est vecteur de risques : les entreprises moins compétitives font faillite ; travailleurs qualifiés et capitaux peuvent s’offrir aux pays les plus rémunérateurs, creusant les inégalités ; pour stimuler leur compétitivité, les pays peuvent renoncer à des mesures redistributives et environnementales coûteuses ; l’indépendance nationale peut être remise en cause.
Un sondage Opinion Way de février 2018 montre que, pour près des deux tiers des sondés, la mondialisation a des effets négatifs sur l’emploi et les salaires. Plus de la moitié y voit un risque pour l’environnement (document 3).
3. Les mesures tarifaires et non tarifaires ont des actions complémentaires
Des mesures tarifaires durables peuvent être mises en place : droits de douane, subventions aux producteurs locaux, réduction du taux de change. Entre juillet 2018 et septembre 2019, les États-Unis ont progressivement augmenté le volume d’importations chinoises taxées (750 milliards de dollars au total) et leurs droits de douane (jusqu’à 25 %). En représailles, la Chine a taxé 170 milliards de dollars d’importations américaines (jusqu’à 25 % aussi). (document 2)
Des mesures non tarifaires durables peuvent aussi être instaurées : quotas d’importation visant à limiter le volume de produits étrangers susceptibles de concurrencer les produits locaux ; normes sociales, techniques et sanitaires visant à réduire les risques de dumping socio-environnemental.
Conclusion
[bilan] Faire confiance au libre-échange pour stimuler la croissance, ou soutenir des mesures protectionnistes pour se protéger des autres, tels sont les axes du débat qui oppose ces deux options de politique commerciale. [ouverture] Si la guerre tarifaire entre les États-Unis et la Chine rappelle les risques d’escalade du protectionnisme, le libre-échange, lui, nourrit des inégalités et nuisances environnementales qui imposent d’en relativiser les vertus…