Les Français se sont rendus aux urnes dimanche pour le premier tour des élections législatives anticipées. Pour la première fois, une victoire de l’extrême droite semble crédible, un revirement extraordinaire pour un parti qui ne détenait jusqu’en 2022 qu’une poignée de sièges au Parlement.
Le Rassemblement national (extrême droite) arrive en tête des sondages avec un score de plus de 33% des voix au premier tour (contre 18,7% en 2022). L'alliance de gauche Nouveau Front populaire (Nouveau Front populaire) pointe à quelques points de la deuxième place avec 28% des voix. Et l'alliance centriste Ensemble d'Emmanuel Macron stagne à la troisième place après avoir obtenu un score décevant de 21%.
Ce résultat place le Rassemblement national en bonne position pour devenir le plus grand groupe à l'Assemblée nationale, qui compte 577 sièges. Mais il existe encore une grande incertitude quant à la capacité de l'extrême droite à remporter suffisamment de sièges pour obtenir une majorité fonctionnelle, et une incertitude encore plus grande quant à ce qui se passera si elle n'y parvient pas.
Le système électoral à deux tours signifie que certains sièges donnent lieu à une compétition complexe à trois (triangulaires) au second tour. La participation étant à son plus haut niveau depuis des décennies, plus de la moitié des sièges ont vu trois candidats se qualifier pour le second tour, qui a lieu le 7 juillet. Une poignée de sièges ont même donné lieu à une compétition à quatre.
Les parties prennent désormais des décisions tactiques sur la manière d’aborder la question. triangulaires. Tous les partis de gauche ont indiqué qu’ils retireraient tout candidat arrivé en troisième position pour éviter de diviser le vote, et qu’ils soutiendraient plutôt quiconque se présenterait contre l’extrême droite.
Les partis centristes, eux, ont accepté de soutenir tous les candidats partageant les valeurs « républicaines » tout en désavouant ceux d’extrême gauche et d’extrême droite. Ces décisions pourraient conduire à moins de sièges pour l’extrême droite que prévu actuellement.
L'incertitude est encore aggravée par le fait que les électeurs devront désormais prendre des décisions tactiques pour le second tour. Les électeurs dont le candidat préféré a été éliminé devront décider s'ils soutiennent un autre candidat ou s'abstiennent.
Certains partis ont appelé leurs électeurs à faire barrage à l'extrême droite. Mais le parti de droite majoritaire, les Républicains, qui a recueilli 6,6% des voix, a refusé de donner le moindre signal à son électorat.
Cette fois, le tableau est particulièrement confus. La convocation inattendue d’élections anticipées, combinée à une période de campagne électorale très courte (seulement 20 jours), a donné aux partis un délai très court pour négocier des accords avec d’autres partis et préparer leurs campagnes et manifestes.
Les partis de gauche ont formé une alliance surprenante, rapide et plutôt fragile. Les Républicains se sont scindés en deux, le chef du parti, Eric Ciotti, et ses collègues se ralliant à l'extrême droite.
Le bloc centriste de Macron semble également de plus en plus divisé, certains remettant ouvertement en question la sagesse de Macron dans la convocation des élections. Ce mouvement soudain, au sein d'un système de partis construit sur des sables mouvants, a laissé les électeurs perplexes et perplexes.
Un autre tour – et après ?
La controverse ne s'arrête pas avec les résultats du second tour. Cela ne fait que conclure le premier acte, et de nombreuses intrigues majeures restent à venir.
Si l’extrême droite obtient effectivement une majorité, elle disposera d’une opportunité sans précédent d’agir. Elle sera toutefois limitée par les contraintes imposées par la Constitution, l’UE et la nécessité de travailler avec Macron, qui restera président jusqu’en 2027 et constituera une épine dans le pied de l’extrême droite.
Macron continuera à diriger la politique étrangère et disposera d’une plateforme à partir de laquelle critiquer le gouvernement, mais le gouvernement dirigera la plupart des politiques intérieures.
Un gouvernement d’extrême droite devrait sans doute aussi faire face à des manifestations de grande ampleur qui pourraient dégénérer en violences. L’été dernier, des émeutes de grande ampleur ont éclaté, déclenchées par des brutalités policières et des contrôles au faciès.
Le leader de l'extrême droite, Jordan Bardella, a indiqué qu'il ne souhaitait pas former un gouvernement minoritaire qui serait à la merci perpétuelle de votes de défiance.
Les autres partis sont également trop petits pour gouverner seuls et semblent trop divisés pour travailler ensemble. Le Nouveau Front populaire comprend le parti d'extrême-gauche La France insoumise, qui déteste et est détesté par les partis centristes et de droite.
Un parlement sans majorité absolue et un gouvernement minoritaire incapable de trouver suffisamment d’alliés pour faire avancer les choses ne peuvent que conduire à une impasse. C’est la situation à laquelle s’est retrouvé le gouvernement sortant. Et c’est la nature intenable de ce scénario qui a motivé le déclenchement des élections.
La question clé est désormais de savoir si la menace crédible d’un gouvernement d’extrême droite parviendra enfin à mobiliser les autres responsables politiques et à les inciter à travailler ensemble comme Macron l’avait espéré. Pour y parvenir, ils devront mettre de côté leurs différences et masquer les profondes divisions qui existent au sein de la politique et de la société françaises.
Que l’extrême droite arrive au pouvoir ou qu’un gouvernement minoritaire instable s’ensuive, la politique française pourrait bien rester instable jusqu’à la prochaine élection présidentielle de 2027. Macron a pris un gros risque en convoquant cette élection et rien ne garantit que son pari risqué sera payant.
Rainbow Murray, professeur de politique, Université Queen Mary de Londres